Un nouveau traité pour protéger les ressources marines et la biodiversité de l’Océan mondial (BBNJ)

Après 18 ans de négociations multilatérales, un traité historique sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (connu sous le sigle anglais BBNJ) a été accepté à l’unanimité par 193 États le 4 mars 2023, au siège des Nations unies à New York. Il sera adopté formellement en juin après la finalisation de la traduction du texte dans toutes les langues officielles de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Mis à jour le 26/04/2023

Cette cinquième et dernière conférence intergouvernementale aura marqué un tournant décisif en droit international de la mer, car ce traité prévoit des outils de gestion innovants et ambitieux pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine. Il permet d’agir là où les États n’ont pas pris suffisamment de mesures de conservation jusqu’à présent.

Les zones ne relevant pas de la juridiction nationale se situent en haute mer, dans les eaux internationales. La haute mer représente plus de 60 % de la surface de l’Océan et près de la moitié de la surface du globe. Ce traité porte sur la protection de l’Océan situé en dehors des zones de souveraineté et des zones économiques exclusives des États côtiers. Ce vaste espace, régi par la liberté de la haute mer, ne disposait pas d’une protection spécifique avant l’adoption de ce cadre juridique mondial nouveau. Ces chiffres indiquent à quel point ce traité est primordial pour la protection de l’environnement marin dans les années à venir.

Un traité universel historique pour l’humanité et pour la protection de la biodiversité marine en haute mer

BBNJ est un accord juridiquement contraignant qui va produire des effets juridiques une fois entré en vigueur. C’est une avancée majeure pour l’humanité, car il vise à renforcer la gouvernance mondiale de l’Océan afin de compléter les lacunes existantes et de coopérer avec les organes ayant un mandat de gestion au niveau régional. BBNJ établit un cadre juridique pour la mise en place effective d’outils innovants, tels que les études d’impact environnemental, les aires marines protégées indispensables pour protéger l’Océan dans sa globalité et pour assurer une conservation et une utilisation durable de ses ressources sur le long terme.

Il est important de préciser que ce traité ne porte pas sur des aspects déjà réglementés par des institutions existantes comme :

  1. les ressources minérales des fonds marins (qui sont distinctes des ressources génétiques marines vivantes). Elles sont gérées par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) via une procédure et des règles propres (partie XI de la convention des Nations unies sur le droit de la mer) ;
  2. la gestion de la pêche reste régie en priorité par les organisations régionales de pêche (ORGP).

Toutefois, le traité BBNJ va mettre en place une coordination et une coopération étroite avec ces organismes pour s’assurer que les objectifs de conservation et d’utilisation durable de la haute mer sont bien pris en compte dans leurs plans de gestion, comme les études d’impact environnemental ou la création d’aires marines protégées.

La haute mer abrite des ressources génétiques marines et une biodiversité très riche et peu connue à ce jour par les scientifiques. L’utilisation de la haute mer procure à l'humanité des avantages inestimables sur les plans écologique, économique, social, culturel, scientifique et de la sécurité alimentaire. Cependant, ces espaces sont soumis à une pression croissante due aux activités humaines, à la pollution (y compris sonore), à la surexploitation des ressources, au changement climatique et à la diminution de la biodiversité. C’est pourquoi il est vital que le traité BBNJ entre en vigueur le plus rapidement possible.

Les principaux outils de gestion du nouveau traité Océan sur la haute mer

La création d’outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées à grande échelle en haute mer. Ces zones protégées existent à ce stade principalement dans les eaux territoriales des États. Quelques projets sont identifiés pour couvrir également des espaces en haute mer et ils devraient se multiplier dans les années à venir. Cet instrument juridique va également contribuer à mettre en œuvre l’engagement mondial pris dans le cadre de la 15e Conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (COP15) sur le nouveau cadre mondial sur la biodiversité, adopté en décembre 2022. Cet objectif ambitieux est particulièrement porté par la France dans le cadre de la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples. Grâce à cette mobilisation, les États ont accepté à la COP15 de protéger d’ici à 2023 au moins 30 % des mers et des océans. L’engagement de la COP15 porte sur la protection des zones sous juridictions des États, mais le traité BBNJ va assurer l’interconnexion des espaces maritimes en apportant des zones de protection supplémentaires pour atteindre cet objectif.

Des études d’impact des activités humaines sur le milieu marin seront obligatoires pour les États et leurs opérateurs économiques. Avant d’engager une activité en haute mer, les États et leurs opérateurs devront préalablement évaluer leurs impacts potentiels sur le milieu marin et, sur cette base, obtenir une autorisation pour commencer les activités annoncées. Les États et leurs opérateurs sont tenus de démontrer d’avoir engagé tous les efforts raisonnables pour anticiper et prévenir les éventuelles atteintes au milieu marin.

Un partage juste et équitable en cas de commercialisation des produits issus des ressources génétiques marines et de leurs données de séquençage. Tout État, institut de recherche ou laboratoire devra respecter un système de notification pour organiser en haute mer des expéditions de collecte de ressources génétiques marines (poissons, algues). Le matériel génétique pourra ensuite être utilisé, par exemple par l’industrie pharmaceutique, cosmétique ou les biotechnologies pour développer des produits.

Les données de séquençage génétique, qui sont des informations immatérielles décrivant par exemple le matériel génétique, font également l’objet de ces nouvelles règles.

Le traité prévoit que si l’utilisation des ressources génétiques ou de leurs données de séquençage aboutit à la commercialisation d’un produit (crème, médicament), il doit y avoir un partage des bénéfices financiers. Un pourcentage devra être versé dans un fonds multilatéral qui servira à financer des projets de conservation et d’utilisation durable de la haute mer et à renforcer les capacités des scientifiques des pays en développement.

Le soutien aux États en développement dans la mise en œuvre du traité. Cela se traduit par un renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, financé par diverses sources publiques et privées.

Une mobilisation française déterminante pour faire aboutir les négociations

La France a joué un rôle clé au sein de l’Union européenne (UE) tout au long de ce processus de négociations commencé il y a plus de 18 ans. L’engagement de la France pour la protection de l’Océan, bien commun de l’humanité, a été un moteur non négligeable pour mobiliser tous les États à l'échelle internationale avec, par exemple le lancement avec la Commission européenne de la Coalition de haute ambition BBNJ, lors du One Ocean Summit organisé à Brest en 2021. Cette coalition appelle les États à conclure le traité BBNJ dès que possible et les incite à s’engager sur les aspects les plus ambitieux (études d’impact, aires marines protégées, conservation et utilisation des ressources dans l’intérêt de l’humanité entière). À ce jour, 52 États ont rejoint cette initiative qui sera un outil important pour la ratification.

Dans la continuité de son engagement pour l’Océan, la France accueillera en 2025 la prochaine conférence des Nations unies sur l’Océan à Nice, organisée conjointement avec le Costa Rica. Ce sera l’occasion de continuer la sensibilisation pour l’entrée en vigueur du traité BBNJ.

Le secrétaire d’État chargé de la Mer s’est rendu deux fois au siège des Nations unies lors des dernières sessions de négociations du BBNJ cette année. En présence de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), des organisations non gouvernementales de la High Seas Alliance et dans le cadre d’un événement de la Coalition de haute ambition BBNJ, il a également lancé, le mardi 21 février 2023, un appel solennel à la communauté internationale à conclure ce traité vital pour la survie de l’Océan.

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